La dernière demeure de Arnolg Helding, pilote de combat de la Deuxième Guerre mondiale
Je suis l’auteur de La légende de Little Eagle », un roman inspiré par un événement survenu en juin 1944 en Champagne, lorsqu’un pilote américain nommé LeRoy Lutz dut prendre une décision en une seconde: sauter en parachute de son avion qui n’était plus gouvernable pour tenter de sauver sa vie, ou rester encore quelques instants à bord pour tenter l’impossible afin d’éviter un crash sur une maison qui aurait tué ses habitants.
Ce livre existe en version anglaise sur Amazon et d’autres librairies en ligne, et il a été trouvé par un lecteur du Nebraska nommé Jerry Lutz, le neveu de LeRoy, ainsi que par Linda Helding dans le Montana. Linda est la fille de Arnold Helding, un autre pilote dans le 436th Fighter Group auquel appartenait LeRoy Lutz. Le jour précédant sa mort, ce dernier avait rencontré des problèmes de moteur avec son P-38. Helding était malade ou en droit de prendre un jour de congé, raison pour laquelle il avait « prêté » à Lutz son appareil, qui avait jusque-là mérité son nom de Lucky Lady, pour une mission de mitraillage d’objectifs allemands.
J‘avais instantanément aimé cette photo de Arnold Helding quand je l’avais découverte: cet homme souriant, confiant, posant auprès de son Lightning P-38. J’avais trouvé d’autres informations par la suite sur sa vie dans le Montana. Il était chasseur, pêcheur, il avait encore longtemps piloté toutes sortes d’appareils, et acquis un problème cardiaque. Ce qui ne l’avait pas empêché de mourir à plus de 90 ans.
Linda avait découvert mon livre et m’avait contacté, et nous avons depuis échangé régulilèrement des messages. Il y a quelque temps, elle m’avait demandé: « Vous ais-je jamais dit comment j’ai dispersé les cendres de papa ? » Réponse: « Non, mais je suis curieux. » Voici son récit.
Récemment, quelqu’un m’a demandé où mes parents étaient enterrés. Je me suis rendue compte que je n’avais pas raconté certaines des histoires sur la dispersion des cendres de père, maman, mon frère Carl et Camas, son fils.
Pendant de nombreuses années, papa et Carl, Joe Woodworth, Andy Anderson, Fred Moore, John et Bob Helding et d’autres avaient chassé le wapiti et le mouton dans les montagnes des Bitterroot au sud de Missoula. Missoula était une petite ville dans les années 50 et 60. La plupart des chasseurs locaux se connaissaient; très peu d’autres chasseurs savaient où ils allaient.
Quand Carl et Camas sont morts, papa a embarqué leurs cendres dans un avion et les a dispersées sur ce lieu de chasse privilégié. C’était en 1982. Papa a commencé à me dire qu’il voulait être dispersé sur la même montagne. Maman est morte en 2005. Elle n’avait jamais prononcé de voeux pour son enterrement. Père et moi l’avons dispersée sur son hippodrome et dans la rivière Jocko. Un de mes amis était le pyrotechnicien qui a fait le feu d’artifice pour le 4 juillet à Missoula. Il a mis une partie des cendres de maman dans une boîte de conserve et l’a soufflée sur le champ de foire, où elle avait couru avec ses chevaux.
Père a vécu encore deux ans. Au fil des années, lui et moi avons fait de nombreuses randonnées dans sa zone de chasse et il m’a fait promettre de répandre ses cendres là-bas. Alors qu’il célébrait son quatre-vingt-dixième anniversaire, il devint inflexible sur le sujet. On peut dire sans risque de se tromper que pour papa, les avions, la chasse et la pêche étaient ses grandes passions. Après sa mort, j’ai trouvé un petit journal dans lequel il avait calculé qu’il avait effectivement piloté 40 avions, en commençant à Hale Field près de Missoula à la fin des années 1930, en pilotant des chasseurs pendant la Seconde Guerre mondiale et en terminant en pilotant de petits avions pendant les quarante années suivantes environ. L’un de mes bons souvenirs est la fois où il nous a emmenés tous les deux dans la prairie de Schafer, dans le parc naturel Bob Marshall, pour aller pêcher.
Papa est décédé pendant le week end d’ouverture de la saison de chasse, en octobre 2007. Mon mari était décédé récemment et je me suis retrouvée avec les tâches que la mort laisse aux vivants. Je n’avais pas élaboré de plan pour disperser les cendres de papa. Dans son bureau, j’ai trouvé la plus grande partie des cendres de maman et d’autres de Carl et Camas. J’ai rassemblé les restes de ma famille et je les ai rangés dans mon bureau.
Un jour, deux hommes de Stevensville sont arrivés avec un camion et nous avons commencé tous les trois à démonter notre chenil. Ils appartenaient à un club de vol d’appareils anciens, des avions des années 1950 à 1970. Je leur ai demandé s’ils avaient déjà volé dans les montagnes de la chaîne des Bitterroot. Oh, tout le temps, dirent-ils. Sur place, je leur ai proposé un échange : le chenil contre un vol pour disperser les cendres de papa.
Je suis arrivée au hangar de l’aéroport avec mon sac de cendres. J’avais décidé que maman appartenait à papa, à son fils et à son petit-fils, alors leurs restes étaient tous mélangés ensemble. J’ai été accueillie par le pilote Don Whitehair et son petit avion soigné : c’était comme un Cessna 180 si je me souviens bien. J’avais une photo de la crête où papa avait dispersé les cendres de mon frère, alors nous sommes partis à la recherche du même endroit – le côté droit de la crête qui est le pic Watchtower. C’était une belle journée ensoleillée sans vent – parfaite pour le vol en montagne.
Alors que nous approchions du sommet, j’ai sorti la photo. Don a tourné le dos au canyon. Nous étions tous les deux assez excités quand nous avons vu la même crête que celle de la photo juste devant nous. Don a fait virer l’avion dans un grand arc de cercle et m’a préparée pour mon rôle dans la dispersion. J’étais sur le strapontin derrière lui. Il m’a ouvert sa porte et m’a demandé de mettre le sac à l’extérieur aussi loin que je pouvais l’atteindre. Il m’a dit de percer un trou dans le fond du sac pour que les courants d’air créés par l’avion ne fassent pas retomber les cendres à l’intérieur. Il a ri en disant que beaucoup de gens ne réalisent pas combien de cendres finissent dans un aspirateur.
J’ai fait tout cela et pendant que je regardais, les cendres sont sorties derrière nous dans une magnifique queue de coq qui s’étendait au-delà de l’avion, suspendue pendant un moment magique avant de se dissiper et de disparaître lentement, à mesure qu’elles dérivaient.
On a volé dans les montagnes. Don n’a pas dit grand-chose, mais il souriait. Finalement, nous n’avons pas atterri à Stevensville, mais sur une piste d’atterrissage en pleine nature. Le sympathique petit avion s’est arrêté devant une structure en rondins. Des gens se tenaient debout sur le porche en faisant des signes de la main. D’autres petits avions ont commencé à arriver et à atterrir. C’étaient les avions de collection du club de Don. Leurs pilotes avaient tenu à nous faire une surprise. Les propriétaires du ranch nous ont servi le petit-déjeuner avant que nous redécollions tous pour Stevensville avant de rentrer chez nous en voiture.
C’était une journée où nous avions envie de dire: « Papa aurait été heureux d’avoir vécu cela. »
A propos, je veux que mes cendres soient dispersées sur la région de Graywolf Mountain dans la chaîne des Mission Mountains.
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